Coupe du monde de rugby : analyse des performances

Nov 30, 2023 | Blog

La Coupe du Monde en chiffres

La coupe du monde de rugby 2023 s’est achevée par le sacre de l’Afrique du Sud. Après avoir fini 2e de son groupe, elle a remporté tous ses matchs de phase finale d’un point ! Il est désormais temps de faire un bilan sur cette édition. Pour cela, nous vous proposons une analyse détaillée du style de jeu des équipes.   

Comme nous avions pu le présenter dans notre précédent article, la donnée est un outil permettant de comprendre et d’affiner notre regard sur des phénomènes pour ainsi aider à la prise de décision. Leur analyse peut aider à identifier les caractéristiques des équipes de cette coupe du monde.

Avant cela, nous vous proposons dentrer en douceur dans ces chiffres grâce à un court historique depuis l’édition 2003. Une des plus stratégiques que nous ayons connu. D’ailleurs, est-ce que cela se reflète dans les statistiques de jeu ?

RWC 2023RWC 2019RWC 2015RWC 2011RWC 2007RWC 2003
Passes 282273282262224241
Rucks / mauls158*174178162144136
Total coup de pieds494539415652
Mêlées141413171921
Pénalités concédées201722211924

*Le nombre de rucks / mauls a légèrement diminué sur l’édition 2023. Cependant, il s’agit du nombre de rucks et de mauls réussis. Or, il se peut que lors des éditions précédentes, il s’agisse du nombre de rucks et de mauls total. La différence observée doit être interprétée avec précaution.  

Résumé des statistiques depuis la coupe du monde 2003 :  

Les données des précédentes coupes du monde ont été récupérées à l’aide de cet article. En ce qui concerne les données agrégées par moyenne pour l’ensemble de la Coupe du Monde, on n’observe pas de réelle différence entre les éditions, du moins pas significative si on s’en tient à une analyse de variance*.

Nous pouvons confirmer cela statistiquement puisque l’analyse n’a révélé aucune différence significative entre ces données. Chose logique en somme, puisque l’on observe ici des moyennes sur l’ensemble de la compétition, où « toutes » les équipes se valent.  

Cependant, on peut tout de même noter que le nombre de coups de pied a de nouveau augmenté sur cette Coupe du Monde (en moyenne dix coups de pieds de plus qu’en 2015). Bien qu’aucune conclusion ne puisse être avancée, la nouvelle règle des 50 : 22 peut avoir eu un effet dans le jeu, et notamment sur cet aspect.  

Cette règle avait initialement été instaurée dans le but de créer plus d’espace et de permettre à l’attaque de progresser sans avoir à enchaîner un grand nombre de collisions pour percer le rideau défensif.

Enfin, on aperçoit également un nombre de mêlées homogène sur les trois dernières éditions, alors que leur nombre avait constamment diminué entre 2003 et 2015.   

Analyse du style de jeu des équipes 

Si l’on vous pose la question : 

Est-ce que deux équipes jouent de la même façon ?

Que répondriez vous ?

Pour certaines, la réponse peut être aisée. Par exemple, le FC Barcelone et la possession du ballon, l’Angleterre et les drops, les Houston Rockets et le tir à 3 PTS sous l’ère Mike D’Antoni et James Harden. Cependant ces équipes ne sont pas les seules à avoir des particularités. En effet, il serait réducteur de penser que les équipes sans identité propre jouent toutes de manière identique ! Disons que leurs caractéristiques et propriétés de jeu ne sont tout simplement pas clairement identifiables.   

Si nous revenons sur notre exemple, nous avons associé une équipe à une seule statistique de jeu. Alors qu’elles ne se réduisent pas qu’à celle-ci. Deux équipes de rugby peuvent montrer une possession de balle importante, mais pour autant elles n’auront pas forcément gagné autant de mètres pendant le match, ni dans les mêmes zones.   

C’est pour ces raisons que les données sont utiles. A l’aide de méthodes statistiques, nous allons pouvoir associer des équipes à des groupes, tout en étant capable d’intégrer plusieurs statistiques de jeu en même temps. Ainsi, nous allons mettre en évidence les ressemblances et divergences entre les équipes, avec les statistiques les plus discriminantes de leur succès.   

Analyse des phases de groupes 

Notre précédent article était destiné à l’étude et à l’analyse du déséquilibre des phases de groupes. Nous avons donc orienté cette analyse afin de comprendre les caractéristiques des équipes mais plus spécifiquement, ce qui différencie les équipes qui se sont qualifiées pour les phases finales des autres. 

Dans un premier temps, une réduction de dimension de nos données fut nécessaire. Nous avons récupéré vingt-huit statistiques de jeu sur le site officiel de la coupe du monde. En l’état, il est difficile de les représenter graphiquement tant le nombre de variables est important (si l’on s’en tient à la taille du jeu de données).

Une analyse discriminante par les moindres carrés partiels (PLS-DA) nous a permis d’obtenir une représentation à deux dimensions de nos équipes. Cette représentation a été conçue dans le but de montrer comment nos statistiques de jeu sont liées à la performance des équipes**, c’est-à-dire si elles atteignent les quarts de finale ou non.  

Team representation and variable contribution after the group stage

Il faut comprendre le graphique de la manière suivante : les équipes étant à droite ont une possession plus élevée, gagnent plus de mauls, gagnent plus de terrain… et au contraire ont un nombre de pénalités et de plaquage raté faible.

Signification des axes

Nous représentons les équipes après la phase de groupe sur deux axes. On observe une forte corrélation entre les statistiques de jeu et la qualification des équipes en phases finales. En effet, sur l’axe horizontal, il n’y a aucune équipe qualifiée pour les matchs à élimination directe. C’est à dire à gauche de la limite représentée par la ligne verte.

La différenciation est claire entre les nations quart de finalistes et non quart de finalistes, avec une précision de 95% (19/20). Il est important de noter qu’aucune statistique liée au résultat des matchs n’apparait dans les données. 

En effet, ni le score, ni le nombre d’essais, de pénalités ou de drops tentés ou marqués ne sont présents dans le jeu de données. Si c’était le cas, les statistiques de score discrimineraient nos équipes et l’analyse serait donc biaisée par le résultat des matchs.

Ainsi, les statistiques de jeu permettent de témoigner de la qualité d’une équipe. On peut ainsi noter que le graphique ci-dessus confirme ce que nous vous avions présenté dans le précédent article. A savoir que l’Ecosse avait réalisé une très bonne phase de groupe mais n’a pas été récompensée par une qualification, potentiellement du fait de la composition de son groupe. 

Interprétation du graphique

Au regard de l’axe 1 (horizontal), on remarque que les nations qui se sont qualifiées en phase finale sont celles qui ont le plus de possession, interceptent le plus de touches, gagnent le plus de mauls et enfin gagnent le plus de phases de jeu arrêtées.

Elles ont également un nombre de pénalités concédées faible et manquent peu de plaquages. Plus une équipe se situe dans la partie droite du graphique, plus elle est forte dans ces aspects du jeu. A l’inverse, les équipes les moins bonnes sont celles qui se situent le plus à gauche.

Ces résultats semblent assez évidents puisque les phases de jeu statiques sont des phases de combat pour le gain de la balle. De même que la possession est nécessaire pour progresser, et enfin les mauls sont une façon de gagner du terrain.

A l’inverse, les variables qui caractérisent les nations n’ayant pas accédé aux quarts de finale et donc les moins bonnes sont des phases défensives, et de fautes sifflées contre elles.  

En ce qui concerne le second axe (vertical), il caractérise plutôt le style de jeu des équipes. En effet, les équipes se trouvant en haut du graphique sont des équipes qui montrent le plus de passes et de mètres gagnés sur le terrain. Alors qu’à l’inverse, celles qui se trouvent en bas du graphique sont des équipes qui jouent majoritairement au pied.   

On note également que les équipes qui ne se sont pas qualifiées pour les quarts de finale n’ont pas de style de jeu particulièrement identifiable (i.e. ces équipes restent dans le « ventre mou », notamment sur l’axe vertical), si l’on s’en tient à ce jeu de données.

Analyse des équipes demi-finalistes 

Team representation and variable contribution at the end of the competition

Team representation and variable contribution at the end of the competition

En ajoutant les données des équipes ayant accédé aux demi-finales, nous pouvons nous intéresser à un potentiel changement dans leur façon de jouer comparativement aux quarts de finale. Les résultats sont au-delà de nos espérances puisque, l’Afrique du Sud, gagnante de cette coupe du monde, est l’équipe qui s’est le plus renouvelée et adaptée pendant les phases finales !   

L’équipe sacrée lors de cette coupe du monde s’est plutôt désintéressée de la possession, jouant majoritairement défensivement et en se dégageant souvent au pied. Elle a d’ailleurs adopté un style de jeu qui aurait pu correspondre aux équipes éliminées avant les phases finales.

Toutefois, un jeu majoritairement basé sur la défense a permis d’exploiter les qualités physiques et athlétiques des joueurs et de décrocher le titre, cependant toujours avec un point d’écart sur leur adversaire.   

Le jeu au pied, clé des phases finales

On remarque également que les variables qui caractérisent le gain de terrain par la course (mauls gagnés, franchissements de la ligne d’avantage) et que les passes n’ont plus autant d’importance. En revanche, le fait le plus remarquable est l’importance du jeu au pied dans cette phase finale.

Trois des quatre équipes demi-finalistes ont été celles qui ont le plus utilisé le jeu au pied dans leur match. Dans le précédent article, nous vous avions évoqué une coupe du monde pour laquelle l’aspect stratégique avait une place importante, ces résultats confirment logiquement nos propos.   

D’ailleurs, le niveau de l’Angleterre était critiqué avant la coupe du monde. Les Anglais ont finalement échoué en demi-finale contre les vainqueurs, de la même manière que la France et la Nouvelle-Zélande qui étaient favorites.

Cet avis est-il biaisé dans la mesure où le quinze de la rose était la seule nation à avoir cette identité marquée par le jeu au pied dès le début de la coupe du monde ?  

D’après cette analyse, l’Afrique du Sud est l’équipe qui s’est le plus adaptée en adoptant un plan de jeu différent à partir des phases finales. Basée sur la défense et misant sur une stratégie d’épuisement de ses adversaires à l’aide d’un bloc défensif résistant. Notamment grâce à l’impact physique de leurs plaquages, ce plan de jeu s’est révélé payant et leur a offert leur second sacre consécutif.  

Des résultats qui permettent de porter un regard, mais pas de se dispenser des connaissances des experts 

A l’aide des données récoltées et disponibles durant toute cette coupe du monde, l’objectif était de déterminer les styles de jeu des équipes.

Bien que notre jeu de données soit limité, cela nous place « en condition de compétition » car, même si certaines nations ont un style de jeu marqué dans le temps, elles s’adaptent à leur effectif au moment de la compétition ainsi qu’à leurs adversaires. 

Ainsi, les solutions et méthodes d’analyse de données sont des moyens efficaces, permettant d’accéder rapidement à de l’information, comme le fait d’avoir une idée plus précise du style de jeu d’une équipe sans avoir à regarder ou analyser plusieurs matchs.

Il est toutefois important de ne pas prendre ces résultats comme étant une vérité absolue et, pour un staff technique, de les confirmer ou infirmer par d’autres outils tel que l’analyse vidéo.  

* Méthode statistique permettant d’examiner la relation entre une variable explicative et une variable cible  

** Maximiser la variance de nos X, tout en maximisant la corrélation entre les X et la variable à expliquer Y 

*** L’ Afrique du sud s’est imposé avec un point seulement devant son adversaire à trois reprises lors des phases finales 

Référence

Article :

Analyse d’un cycle d’entraînement avant un marathon

Analyse d’un cycle d’entraînement avant un marathon

Présentation du contexte et des données   Dans le cadre de la préparation du marathon de Séville, des données ont été enregistrées lors de 96 sessions d’entraînements réparties sur 12 semaines de préparation. Une semaine de coupure a été effectuée en début de...