La science des données au cœur de la mêlée

Oct 20, 2023 | Blog

Aperçu des performances des équipes avant le dernier carré de la compétition

 

Une professionnalisation qui ne laisse plus de place au hasard ? 

L’utilisation et l’analyse de la donnée dans le sport est devenue à ce jour incontournable. Exploitée comme une solution de surveillance des athlètes quelques années plus tôt, elle est progressivement devenue une pièce maitresse dans l’optimisation de la performance sportive.

Associée à des compétences mixtes, variées, et portées par une équipe multidisciplinaire (e.g. scientifiques du sport, de la donnée, analystes vidéo), elle apporte une information cruciale permettant de se différencier de ses adversaires et d’acquérir un avantage compétitif. 

Dans les clubs et fédérations, les staffs prennent le pas sur la numérisation et la digitalisation des process d’optimisation de la performance. Au-delà du regard de l’entraineur, véritable expert, les données offrent des possibilités d’analyses multiples.

Elles portent de l’analyse des réponses psycho-physiologiques à l’entrainement et leurs effets sur la performance, jusqu’à l’analyse des stratégies de jeu et leur optimisation en fonction de l’adversaire rencontré.

Pour ce faire, ces clubs et fédérations peuvent être amenés à collaborer avec des sociétés spécialisées en science des données, à l’image de notre collaboration avec la Fédération Française de Natation notamment lors championnats de France 2023 à Rennes.

La coupe du monde de rugby 2023, l’exemple parfait

Côté Rugby, la Fédération Française de Rugby (FFR) figure parmi les meilleurs élèves. En effet, elle porte une grande attention à la collecte, l’analyse, et la restitution des informations provenant des données, notamment dans le but de “révéler l’instinct et l’intuition des joueurs” et plus largement, comprendre la performance sportive.

Force est de constater que cette équipe de France affiche des résultats plus qu’encourageant depuis la prise de poste de son sélectionneur Fabien Galthié, moteur de cette transformation digitale. Pays hôte de cette coupe du monde et avec un rêve de titre de champion du monde, les regards sont naturellement tournés vers le ballon ovale depuis maintenant quelques semaines.  

Nous vous proposons de vous attarder sur une brève analyse de la phase de groupe ainsi que d’avoir un aperçu de ces quarts de finales qui ont tenu leur promesse. Enfin nous introduirons les demi-finales où l’Argentine et L’Angleterre auront à cœur de prouver qu’ils méritent leur place. 

Un début de coupe du monde avec des groupes déséquilibrés ? 

Après une phase de groupe de plus d’un mois et 40 matchs disputés, les quarts de finales étaient très attendus. Pour cause, deux rencontres opposaient déjà lIrlande et la Nouvelle-Zélande ainsi que la France et l’Afrique du Sud.

Ces matchs résonnaient comme des demi-finales voir des finales autant dans l’engouement que dans le niveau de performance de ces équipes. 

En effet, ce sont les 4 premières équipes au classement « World Rugby ». Pourtant déjà deux d’entre-elles ont vécu une élimination cruelle et prématurée par rapport à leurs ambitions. La faute à un tirage basé sur le classement d’il y a 3 ans et à des nations aux trajectoires ambivalentes.

En effet, l’Irlande, la France et L’Ecosse ont toutes gagné 4 places entre le tirage au sort et le lancement de la coupe du monde. Au contraire, l’Angleterre finaliste en 2019 et le Pays de Galles ont chuté de 5 et 6 places.

 

Tapis rouge pour l’Angleterre, la France pleine d’espoirs, impitoyable pour l’Ecosse…

La composition de ces groupes aura été plus bénéfique pour certaines nations. En effet, l’Angleterre s’est retrouvée aisément qualifiée pour les quarts de finales en réalisant un sans-faute. Or, elle n’avait remporté que 3 de ses 10 dernières rencontres.

De son côté, la France s’est qualifiée en remportant tous ses matchs. Enfin, le résultat fut bien plus cruel pour l’Ecosse qui se retrouve éliminée de la compétition sans arriver à se défaire de l’Irlande et de l’Afrique du Sud. 

Pourtant, cette équipe a affiché en phase de groupes des statistiques au-delà de ce qu’elle a pu produire ces trois dernières années. En effet, ils sont leaders de plusieurs aspects du jeu au regard des statistiques de match à l’issue de cette phase de groupes.

On peut imaginer que si le tirage au sort était plus clément, ils auraient très probablement acquis leur qualification. Pour étayer nos propos, regardons plus précisément l’évolution de ces 3 équipes depuis 2020 : 

La fin de la domination Anglaise est saisissante, passant de la meilleure équipe au pourcentage de touches et de mêlées gagnées à une équipe qui ne domine plus sur ces phases de jeu et ne se démarque dans aucune autre… sauf peut-être les pertes de balles !

A l’inverse, on retrouve la progression de l’Ecosse qui montrait un nombre de passes, courses et mètres gagnés par possession plutôt faibles. A la fin de cette phase de poules, ils devancent la France et l’Angleterre sur ces facteurs, ajoutant le nombre de défenseurs battus et de franchissements à leur domination.

Enfin, la France affiche une constance dans presque tous les aspects du jeu d’un point de vue statistique. En 2020, elle ne semblait réellement efficace qu’en plaquage à la lecture de ces statistiques. 

L’Irlande et la France, des outsiders en 2020 devenus leaders de la compétition,mais déjà éliminés… 

Positionnées au 5ième et 7ième rang du classement de 2020, ces nations pointaient désormais 1ère et 2ième à la veille du week-end des quarts de finale. Au-delà de ce classement, Opta avait publié une prédiction du vainqueur de cette coupe du monde.

Sans surprise jusqu’au week-end dernier, l’Irlande était annoncée comme favorite, suivie de près par la France. Fort de progrès depuis la dernière coupe du monde, l’Irlande avait pour ambition de passer les quarts de finale pour la première fois de leur histoire.

De son côté, la France rêvait de s’offrir une nouvelle finale chez elle mais surtout d’obtenir son premier sacre. Malheureusement ces deux équipes se sont heurtées aux triples champions du monde d’une courte tête, avec pourtant le ballon en main lors de la toute dernière action mais aucun point n’a été inscrit.

Afin de comprendre cet échec, un des nombreux éléments de réponse se trouve peut-être dans la façon de marquer de ces équipes, représentée ci-dessous : 

Attention ! Pour avoir une lecture correcte de ces graphiques, voici comment les points sont placés. Les écarts entre les points sont représentés en valeurs relative et non absolues. Ainsi, pour le premier graphique représentant la France, la lecture est la suivante : La France utilise moins la pénaltouche que les autres équipes, sans pour autant la négliger totalement. Les données de la coupe du monde portent uniquement sur les 4 matchs de groupe des équipes, les données pré-coupe du monde représentent les matchs depuis 2022. 

L’équipe de France change de style avant de retomber dans ses travers

Comme nous pouvons l’observer, l’équipe de France avait tendance à beaucoup exploiter et convertir les pénalités pour vaincre ses adversaires avant la coupe du monde. Cette stratégie a évolué pendant la phase de groupe.

Après un match d’ouverture où la transformation de pénalités a eu une grande importance, l’équipe de France a ensuite cherché à imposer sa domination en faisant le choix de la pénaltouche plus souvent. Cela signifie donc que la France a privilégié la touche et la tentative d’essai plutôt que la recherche de marque sur pénalité.

Ces choix stratégiques ont porté leurs fruits, surprenant même l’Afrique du Sud lors d’une pénalité jouée rapidement en première mi-temps du quart de finale. La seconde période sera tout autre, la France ne parvenant pas à marquer d’essai et tirant l’intégralité de ses pénalités.

Même si l’Afrique du Sud n’a commis quasiment aucune erreur, une pénalité dans les 22 mètres adversaires semblait pourtant jouable à la 52ième minute. Les Français ont-ils trop assuré, les plaçant à 6 points devant mais n’étant pas couverts d’un essai transformé, ou était-ce un aveu de faiblesse étant éreintée par l’intensité de la première mi-temps ? 

Une Irlande qui ne subissait plus la domination depuis longtemps

Quant aux Irlandais, il faut remonter plus de 2 ans en arrière et parcourir 23 matchs pour les retrouver menés 10-0 en début de match. Une situation inconfortable pour une rencontre de cette envergure. Malgré une entame difficile, les joueurs du trèfle n’ont qu’un seul point de retard à la mi-temps.

Avec un style de jeu porté sur les essais, les Irlandais se sont pourtant laissé tenter par les 3 points à 2 reprises alors qu’ils étaient à quelques mètres des 22 adverses. Un choix inhabituel qui ne s’avère pas payant au regard du résultat final.

En effet, une seule des 2 pénalités fut transformée, mais in fine c’est bien un essai qui, bonifié en essai de pénalité, les ramène à 1 point à la 64ième minute. Finalement, leur dernière tentative de renverser le match fut veine, échouant à moins de 10 mètres de la ligne d’en-but sur la dernière possession.  

Un style de jeu similaire pour contrer la France et l’Irlande 

Les All Blacks et les Springboks ont plus que 3 titres de champions du monde en commun. Qualifiées sans avoir ni la possession, ni l’occupation lors du quart de finale, et bien en dessous de leurs standards, ces deux équipes ont su faire preuve d’adaptation en résistant à la progression de leur adversaire respectif.

En effet, si l’on compare la statistique de possession à leurs propres matchs des deux dernières coupes du monde, l’Afrique du Sud affiche son deuxième plus faible pourcentage possession et la Nouvelle-Zélande le 3ième. Si l’on compare à la moyenne de leurs matchs dans cette compétition, c’est une baisse de 15 points pour l’Afrique du Sud et de 13.75 points pour la Nouvelle-Zélande.  

La coupe du monde la plus tactique jamais vécue

Ces chiffres montrent bien que ceci est le résultat d’un plan de jeu préparé qui s’est avéré payant pour ces deux équipes. Cependant, ces adaptations tactiques ne sont pas une surprise. L’entraîneur de l’équipe de France, Fabien Galthié, avait annoncé en conférence de presse d’avant match :

[…] c’est un jeu d’échec […] préparer ces matchs là c’est un niveau de stratégie, de réflexion poussée à son paroxysme […] on est dans ce monde de la tactique, de la stratégie, ce n’est pas pour nous déplaire.

Des mots qui n’avaient pas du tout été identique 4 ans plus tôt par Jacques Brunel, ex entraîneur de l’équipe de France, au même stade de la compétition :

On s’attends à un match des Gallois qui sera identique à ce qu’ils proposent à chaque rencontre.

Au-delà de ces mots, les questions, elles aussi n’étaient pas vraiment focalisées sur le jeu mais plutôt sur l’extrasportif. Ce contraste montre à quel point les données associées à la vidéo sont devenues fondamentales dans le sport de très haut niveau.

Bien que les staffs tentent de réduire la part d’imprévu au cours du match, la stratégie proposée par l’adversaire peut bouleverser toute la préparation effectuée. Cela rend tout ce processus passionnant comme a pu l’exprimer l’entraîneur de l’équipe de France.

Cap sur les demi-finales 

Les nations qualifiées auront fort à faire pour récupérer à l’issue des quarts de finales très serrés. Effectivement, à la 75ième minute de ces quarts de finale, aucune équipe ne comptait plus de 4 points d’avance, soit moins d’un essai ! Les scores étaient les suivants : 

  • Pays de Galles 17 – 19 Argentine (victoire de l’Argentine 29-17) 
  • Irlande 24 – 28 Nouvelle-Zélande (score final) 
  • Angleterre 27 – 24 Fidji (victoire de l’Angleterre 30-24) 
  • France 28 – 29 Afrique du Sud (score final) 

La Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud semblent désormais et logiquement les favoris de ces demi-finale, fortes de leur expérience et en confiance après leurs victoires. Dans cette coupe du monde portée par la stratégie, l’Angleterre et l’Argentine trouveront-elles les ressources nécessaires pour créer la surprise ?

Après une performance de haut vol et menées par une tactique infaillible, l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande trouveront-elles un nouveau plan de jeu qui leur permettra de se retrouver, comme désormais attendu, en finale ? 

Nous vous donnons rendez-vous prochainement pour une analyse plus détaillée des performances et caractéristiques des nations au cours de ce tournoi. Stay tuned !  

Références

Articles :

Vidéos :

Analyse d’un cycle d’entraînement avant un marathon

Analyse d’un cycle d’entraînement avant un marathon

Présentation du contexte et des données   Dans le cadre de la préparation du marathon de Séville, des données ont été enregistrées lors de 96 sessions d’entraînements réparties sur 12 semaines de préparation. Une semaine de coupure a été effectuée en début de...